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16 novembre 2007

Le 11 Avril 1993: "Magic" Senna marche sur l'eau

1993_Europe

Un mois avant le début de la saison 1993, Ayrton Senna ne sait toujours pas s'il va participer aux courses ou s'il va prendre une année sabbatique comme l'a fait Alain Prost en 1992. Il pense même faire une saison en IndyCar aux Etats-Unis! Avec l'aide de son ami et mentor, le double champion du monde de Formule 1 Emerson Fittipaldi, il essaye une monoplace de cette série pour prouver son intérêt. Il sait pertinemment qu'avec le retrait de Honda et le retour de Prost chez Williams-Renault, la saison pourrait une nouvelle fois être très difficile pour lui et il n'a pas envie de revivre l'enfer de 1992. C'est début mars que Ron Dennis réussit enfin à le convaincre. Ayrton est d'accord mais il garde une clause de performance dans son contrat. En bref, il ne signe que pour une épreuve et si la Mclaren MP4/8 (équipée d'un moteur client, le Ford, peu puissant mais agile et qui équipe déjà les Benetton) n'est pas à la hauteur de ses ambitions, il pourra claquer la porte de chez Mclaren sans être ennuyé. Dès la première manche de saison à Kyalami, en Afrique du Sud, la MP4/8 démontre, dans les mains de Senna, qu'elle est bien née. Malgré un moteur moins puissant que le Renault, le Brésilien réussit à se qualifier dans le même fraction de seconde que le Français, poleman du jour. En course, il lui tient dragée pendant toute l'épreuve et termine à une très belle seconde place. Ayrton finit par penser que cette saison pourrait ne pas être si mauvaise que cela après tout. Il se garde un délai de réflexion avant d'annoncer son retour pour la saison complète au Brésil! Seulement troisième à près de deux secondes de Prost à la fin des séances qualificatives, il se demande s'il a fait le bon choix... En difficulté pendant la course, il profite d'une grosse averse et de l'abandon de Prost pour remporter "son" Grand Prix national pour la deuxième fois de sa carrière. Un miracle! En arrivant à Donington, théâtre du Grand Prix d'Europe, Ayrton Senna est en tête du championnat et compte bien y rester.

Donington Park est un circuit que Senna connaît assez bien grâce à l'expérience qu'il a accumulé lorsqu'il courait en Formule Ford et Formule 3 en Grande-Bretagne, au début des années 1980. Le Grand Prix d'Europe 1993 est la première course de Formule 1 qui y est organisée et le Brésilien espère secrètement que cela lui donnera un avantage. Mais les choses ont changé. Le circuit n'est plus le même et compte tenu de la puissance des F1, il faut se réadapter. Personne n'est donc surpris en retrouvant les dominantes Williams-Renault truster les premières places de la grille. Ayrton, quatrième à quasiment deux secondes de Prost, qui vient de signer sa troisième pole position d'affilée, désespère d'accrocher un bon résultat sur l'exigeante piste britannique. Le jour de la course, c'est un déluge qui s'abat sur le circuit au moment du départ. Attaché dans sa monoplace, casqué, Senna se dit qu'il doit tout donner dès le premier tour afin de bénéficier de l'effet de surprise. Il espère que là où tout le monde perdra du temps en s'adaptant à la piste détrempée, lui en gagnera grâce à sa maîtrise de la conduite sous la pluie. C'est la condition sine qua none s'il veut se positionner devant les Williams d'Alain Prost et de Damon Hill. Mais cela veut dire prendre des risques, beaucoup de risques, et il en est conscient. Au départ, son plan ne se passe pas vraiment comme prévu. Enfermé à l'extérieur par la Benetton-Ford de Michael Schumacher, il perd une place au profit de Karl Wendlinger, excellent sur sa Sauber. Il se déporte très vite à l'intérieur de la courbe de Redgate et passe ainsi Schumacher, qui perd du temps à l'extérieur. Ayrton sent sa voiture glisser de partout mais il laisse le pied appuyé à fond sur l'accélérateur et domine sa monoplace d'une main douce et ferme à la fois. Il passe Karl Wendlinger à l'extérieur de Craner et se retrouve ainsi en troisième position! Il n'a plus devant lui que Damon Hill et Alain Prost qui se montrent très prudents dans ces conditions de piste difficiles. La monoplace de Senna vole littéralement sur la piste. Là où les autres font attention à chaque freinage, chaque virage, chaque réaccélération lui ne se pose pas de questions et pilote instinctivement. Deux virages plus loin, dans la courbe de Mc Leans, c'est au tour de Damon Hill de lâcher prise face au "Rainmaster". A la sortie du virage Esses, Ayrton est déjà revenu dans le sillage de Prost. Il se place dans son aspiration le long de la ligne droite et porte une estocade imparable à Melbourne Hairpin. Le Français, impuissant, est obligé de laisser Senna s'enfuir en tête du Grand Prix. Le Brésilien vient de réaliser un incroyable exploit dans ces conditions piégeuses: il a passé quatre monoplaces en un tour pour caracoler en tête de la course!

La suite de la course est un véritable festival d'Ayrton Senna qui maîtrise parfaitement les conditions changeantes, oscillant entre la pluie fine et la pluie battante. Quand le Brésilien s'arrête cinq fois aux stands pour changer de pneumatiques, Alain Prost s'arrête sept fois! Collant plus d'une seconde au tour à Damon Hill, son poursuivant direct, il remporte une victoire incontestée et se permet même le luxe de prendre un tour à Prost. Plus tard, Gerhard Berger s'exprimera en ces termes sur la performance d'Ayrton Senna lors de cette course historique: "En raison de la faiblesse de son moteur Ford cette saison, Ayrton attendait des conditions de course spécialement difficiles pour montrer à chacun ce dont il était encore capable. A Donington, tout ce qu'il voulait c'était se retrouver premier à la fin du premier tour pour que chacun de ses adversaires ait l'air stupide. Et c'est exactement ce qu'il a fait!" Sur le podium le Brésilien affiche un sourire radieux. L'exploit qu'il vient d'accomplir est unique et confirme son incontestable maîtrise de la pluie. "Magic" porte bien son nom. Après le Grand Prix de Monaco 1984 où il s'est révélé sous la pluie, après le Grand Prix du Portugal 1985 où il a remporté sa première victoire dans ces conditions, il vient de remporter à Donington l'une de ses plus belles victoires en carrière (sans parler des autres victoires qu'il a remporté sous la pluie mais dont ce serait trop long de donner le nom). En agissant tel un funambule, toujours à la limite, il a su prendre beaucoup de risques, mais en donnant l'impression aux observateurs d'une véritable aisance. En conférence de presse, il propose en riant à Alain Prost d'échanger de monoplace lorsque ce dernier ose se plaindre de sa Williams, qui est clairement la meilleure voiture du plateau. Le Brésilien sait que c'est en raison des conditions pluvieuses qu'il a réussi à remporter, coup sur coup, les victoires à Interlagos et à Donington et qu'il se retrouve ainsi en tête du championnat avec douze points d'avance sur Prost. Il sait que la suite de la saison va redevenir difficile mais il s'en moque pour l'instant. Tout ce qu'il veut, c'est savourer la performance qu'il vient de réaliser en sachant que ce 11 avril 1993 restera dans les mémoires comme le jour où il a marché sur l'eau...

1993_Br_sil

Bonus: le premier tour en vidéo: Donington 1993

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