Keyshun HysToRia {Blaz'attitude}

C'est drôle comme j'aime respirer. Sentir l'air frais arriver jusqu'aux poumons. Sentir les alvéoles se dilater pour accueillir en elle chaque petite particule d'oxygène. Cela donne l'impression que chaque bouffée d'air est comme une nouvelle vie qui commence. Encore. Encore. Et encore. Comme un éternel recommencement. C'est comme si mon corps m'offrait la possibilité de repartir à zéro, d'oublier ce qui s'était passé juste avant la dernière inspiration. J'aime respirer et fermer les yeux. J'aime ces moments où je laisse entrer en moi différentes pensées. Savourer les bons souvenirs et combattre les douloureux. Et me resituer, tel un banal être humain avec sa petite vie...

Repenser que loin, très loin, il y a l'univers, immensité indéfinie de matière et de temps régissant l'ensemble de tout ce qui existe. Et en son sein, le système solaire, qui prend place dans la Voie lactée, une galaxie spirale contenant 200 milliards d'étoiles. C'est là que la Terre apparaît, petite boule de matière de 510 millions de km². La Terre. Ses enjeux politico-financiers. Ses paysages. Ses guerres. Ses différentes formes de vie. Sa complexité. La Terre... et moi. Ma vie d'échelle microcosmique. Mes joies. Mes doutes. Mes peines. Mes craintes. Je ne suis sûr de rien, sauf peut-être que le banc sur lequel je suis assis est bien en bois. Alors que les minutes défilent à une vitesse sanguinolente, je vois les gens passer devant moi en accéléré ne laissant derrière eux que de légers filaments de couleur. Dans ma tête le temps s'est arrêté mais pas autour de moi. Je gis sur ce banc, à moitié inconscient, transparent et inexistant.

C'est dur d'avoir cette sensation dérangeante d'être face à un mur infranchissable. De ne plus ressentir ni joie ni peine. Etre totalement blasé et ne plus savoir quoi faire pour relativiser ou se changer les idées. Je déambule tel un zombie dans les rues sans voir les personnes qui m'entourent. Elles passent à côté de moi comme des êtres au visage flouté, sans identité ni dissemblances. Elles n'ont pas d'importance pour moi. Je m'en fous. Je me fous de tout. La bruine tombante me gèle le visage et les mains. Je devrais ressentir une douleur ou une certaine gêne mais rien de tout ça. Je suis perdu dans mes pensées et rien ne semble pouvoir m'en sortir. Je suis bloqué. Totalement bloqué... J'entends et ré-entends les mêmes paroles qui tournent en boucle comme un vieux disque vinyl rayé. Les mêmes paroles mais prononcées par des voix différentes, dans des endroits différents et à des moments différents. Mais toujours la même rengaine. Toujours ce vieux refrain avec ces paroles inaudibles. Et au final, toujours cette sensation amère de solitude. 

Seulement, j'ai appris avec le temps à vivre avec ce genre de sentiment. A faire en sorte que ce dernier ne prenne plus totalement le dessus sur moi. Cette fois, c'est une chanson qui m'a sorti de ma torpeur. Un chant religieux venu de Mélanésie. Lorsque j'écoute cette communion de voix d'hommes, de femmes et d'enfants, une chaleur m'envahit le corps et le coeur. Je pense à un autre monde. J'arrive enfin à me sortir de cette prison qu'a construit mon esprit en retrouvant l'espoir et  en passant au travers du mur qui m'empêchait de voir devant moi. Cette chanson me fait découvrir les nombreuses choses que j'ai encore à apprendre ou à visiter. Je voyage et je sais que ma vie ne se limitera pas à ce que je connais aujourd'hui, effaçant mes angoisses. C'est comme si à chaque écoute, mon esprit prenait un grand bol d'air régénérateur. Je le sais, à partir de maintenant, l'inconnu pourra être un refuge.

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[Alex - Orphen]

:)