Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
>>>>Keyshun's blog
29 août 2007

Le 24 Mars 1991: Ayrton Senna prophète en son pays

1991_Imola

Le Grand Prix du Brésil à Sao Paulo est le théâtre de la seconde manche du championnat 1991. Après avoir signé la pole et remporté la victoire à Phoenix, Ayrton Senna débarque sur ses terres relativement confiant. Relativement car il ne l'a jamais emporté en sept participations au Grand Prix du Brésil depuis 1984. Il y a déjà eu des poles, des podiums mais jamais de victoires sur ses terres sacrées. Et pourtant, qu'est-ce qu'il aimerait ajouter cette course à son palmarès... plus que n'importe qu'elle autre. Le fait de courir devant ses compatriotes est une grande fierté pour le champion brésilien. Dans la voiture qu'il l'emmène au circuit le vendredi des essais, Ayrton observe les alentours. Outre les buildings et les maisons chics qui remplissent le centre-ville de Sao Paulo, il y voit des "favelas", des familles entières dans la misère, des enfants couverts de boue jouant au football dans la rue et il sent une terrible douleur lui étreindre le coeur. Il se dit qu'il faut faire quelque chose, que cela ne peut plus continuer comme ça. Une idée est présente dans son esprit depuis quelques mois maintenant, celle d'une fondation à son nom, et il décide d'en parler à sa famille juste après la course. C'est pour combattre la misère et pour soulager son peuple qu'il compte mettre en place cette fondation; c'est pour la même raison qu'il travaille d'arrache-pied et qu'il se bat comme un beau diable à travers le monde, lors des dimanches de Grand Prix. Cela fait de lui l'idole de tout un peuple, bien loin devant Nelson Piquet, l'autre grand pilote brésilien du moment. Ayrton se bat avec son coeur et ses tripes et ceci, les Brésiliens le savent bien. Lorsqu'il dépose pied à terre à son arrivée à Interlagos, une foule de supporters l'assaille afin de lui demander une photo ou un autographe. Après ses deux titres de champion du monde et sa rivalité avec Alain Prost, sa popularité est au plus haut et les Brésiliens le soutiennent plus que jamais. Après avoir signé des autographes et pris quelques photos, Ayrton pénètre au sein du circuit. A partir de maintenant, le pilote prend le pas sur l'homme et rien ne doit plus venir troubler sa concentration.

Lors des essais qualificatifs du samedi, Ayrton réalise une nouvelle pole position, la cinquante-quatrième de sa carrière et la cinquième au Brésil. A peine sorti de sa monoplace, il sort de son stand et se dirige vers le bout de l'allée, où se trouve une tribune. Alors que les spectateurs scandent son nom en rythme, il lève les bras au ciel en baissant la tête, comme pour exprimer humblement sa joie. Le public rugit comme si l'enfant du pays avait déjà remporté la victoire mais Senna tempère ses ardeurs car il sait que la route est encore longue... Après une nuit agitée, comme c'est toujours le cas lorsque la course se déroule au Brésil, Ayrton s'est rendu très tôt au circuit afin de préparer la course comme il se doit. Il s'est enfermé dans le motorhome Mclaren-Honda, ne sortant que pour disputer le warm-up. Après une discussion avec ses ingénieurs et le traditionnel briefing d'avant-course, il retrouve son entourage afin se concentrer au maximum pour l'après-midi. 13h58: l'ensemble des monoplaces s'élance pour le tour de formation. Alors qu'il effectue son tour au ralenti, Senna observe les nombreux drapeaux brésiliens déployés dans les tribunes, et voit les spectateurs qui se sont déplacés en masse pour l'encourager. Il se dit que c'est la bonne, qu'il doit remercier toutes ces personnes qui ont fait le déplacement. Cela lui tient particulièrement à coeur, bien plus que la gloire que pourrait lui apporter cette victoire. Il veut faire vibrer son peuple une fois de plus, c'est tout. Le départ est donné et Senna s'élance parfaitement de sa première position devant un Nigel Mansell très en verve avec sa Williams-Renault. Très vite, les deux pilotes s'échappent peu à peu de la meute mais ne se lâchent pas d'une semelle. Ayrton fournit beaucoup d'efforts pour lâcher le pilote britannique sans jamais vraiment faire le trou. La Williams-Renault semble être plus efficace que la Mclaren-Honda sur le circuit d'Interlagos et Senna est obligé de se donner à cent pour cent pour se maintenir en tête... jusqu'au moment où Mansell part à la faute. Il reste douze tours à couvrir et le Brésilien commence à sentir ses bras se crisper sur son volant. Riccardo Patrese a pris la chasse au volant de la seconde Williams-Renault et Ayrton commence à sentir son souffle alors que sa boîte de vitesse reste bloquée en cinquième. Les tours défilent lentement et, à cause de la fatigue, il ne réfléchit plus... Une averse bienvenue s'abat sur le circuit et c'est sur un air d'apocalypse que Senna passe l'arrivée en vainqueur. Il l'a fait!

Au passage de la ligne, Ayrton crie sous son casque. Des cris exprimant de la joie. Des cris exprimant de la douleur. Il ne sait plus ce qu'il ressent tellement c'est fort et intense. Son esprit est heureux alors son corps souffre le martyr.  Il a des douleurs terribles aux bras et aux jambes; le stress a crispé ses muscles au maximum. Après avoir passé les deux premiers virages du circuit, il stoppe son monoplace en plein milieu de la piste. Il est trop épuisé pour piloter son bolide un tour de plus. Après intervention de la voiture médicale, il est emmené dans le paddock pour la cérémonie du podium. En sortant de la voiture, il partage sa joie avec son père en le serrant fortement dans ses bras puis en criant et en souriant. Senna monte avec difficulté sur le podium; on sent que ses muscles lui font terriblement mal mais il veut fêter dignement cette victoire, communier avec "son" public. Sur la plus haute marche, le drapeau brésilien en berne, il ferme les yeux afin de s'abreuver des cris de la foule. Il brandit fièrement la coupe avec un léger sourire qui exprime toutes les émotions du monde. La foule exulte littéralement: le héros national vient d'offrir au Brésil l'une de ses plus belles victoires! C'est avec les larmes aux yeux que Senna s'exprime lors de la conférence de presse: "C'est le plus beau jour de ma vie! Cela faisait tellement longtemps que je rêvais de ce jour. Depuis que je cours en Formule 1, pour des raisons diverses, je ne m'étais jamais imposé au Brésil. Mais parfois, la vie vous réserve des surprises fabuleuses. Aujourd'hui, je suis comblé. C'est un moment fort, spécial que je ne peux même pas décrire." Il parle de surprise dans son interview mais cela n'en est pas vraiment une. Il a remporté cette victoire de haute lutte. Les Williams-Renault étaient bien plus rapides en conditions course et sans son immense talent et son acharnement il ne l'aurait pas emporté. Il n'a jamais lâché prise car il voulait plus que tout offrir une victoire à domicile à son public... C'est sans doute la plus belle victoire de sa carrière jusque maintenant et il est allé au bout de lui-même pour aller la chercher.

1991_Brazil

Toutes les images de la course: Brésil 1991

Publicité
Publicité
Commentaires
>>>>Keyshun's blog
Publicité
>>>>Keyshun's blog
Archives
Derniers commentaires
Publicité