L'électrochoc d'Andy Roddick

Enorme. Inattendue. Emouvante. Puissante. Les qualificatifs pleuvent pour qualifier la performance d'Andy Roddick cette semaine à Dubaï. Dans un tournoi au tableau particulièrement relevé, avec notamment la présence de huit joueurs du Top 10 (Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic, David Ferrer, Nikolay Davydenko, Richard Gasquet, Tomas Berdych et lui-même) l'Américain a su se défaire des différentes embûches et brillamment s'imposer. Plus que la victoire finale, c'est la manière dont il s'est comporté sur le court et ses deux victoires de prestige face aux n°2 et n°3 mondiaux Rafael Nadal et Novak Djokovic qui rendent très important ce moment de sa carrière. Enfin, il a prouvé qu'il pouvait à nouveau battre des joueurs faisant partie de l'élite alors qu'il en semblait incapable depuis plusieurs années. Et surtout, il retrouve enfin un statut digne de son talent.

On ne parlera pas ici de renaissance, car cela n'en est pas une pour ceux qui suivent régulièrement les résultats de Roddick. C'est uniquement une confirmation que quand le mental est là, les résultats suivent. Ceci fait par-là même mentir les détracteurs de l'Américain qui l'avaient un peu trop vite éteint. Un électrochoc soudain qui lui a permis d'évoluer à son meilleur niveau, comme si 2003 n'était pas si loin. C'est une bien belle histoire qui a commencé il y a maintenant trois semaines, au tournoi de San Jose...

Andy Roddick "conquiert" sa troisième couronne de San Jose à l'arrachée

Après sa défaite précoce en Australie et son point acquis face à l'Autriche, Andy s'est présenté à San Jose, où il avait déjà remporté deux titres en 2004 et 2005. De rudes batailles ont émaillé son parcours dans le tournoi californien, notamment au premier tour face à Chris Guccione dans un duel épique de serveurs remporté 6/3 6/7 7/6. Il a par la suite mis fin au parcours de Kei Nishikori, récent et surprenant vainqueur à Delray Beach 6/2 6/4 en bombant le torse et en faisant complètement déjouer le Japonais. C'est en quart de finale que le plus important test s'est présenté à Roddick sous les traits de Mardy Fish, un de ses plus vieux amis et avec qui les matchs ont souvent été difficiles. Celui-ci n'a pas dérogé à la règle. Après avoir sauvé deux balles de set dans la première manche et l'avoir remporté 7/6, il se fait balader dans le deuxième set, perdu 6/1 et sauve deux balles de break dès le premier jeu de la troisième manche. Il ne se désunit pas dans l'effort et tient sa mise en jeu jusqu'à ce qu'une occasion se présente, ce qui est chose faite à 6/5 pour lui où il obtient deux balles de match. Il fait finalement plier Fish 7/6 1/6 7/5. Les deux dernières rencontres sont remportés sans grande difficulté face à Guillermo Garcia-Lopez en demi (7/6 6/1) et Radek Stepanek en finale (6/4 7/5) remportant son troisième titre dans le tournoi californien. En marge du tournoi, Roddick résumera sa performance en ces termes: "Je suis content de la façon dont j'ai joué ici. Je me suis battu dans les moments délicats pour me donner l'occasion de mieux jouer et ça a payé."

Connors et Roddick: la rupture

Après sa victoire de San Jose, Andy se rend à Memphis et tombe devant un excellent Robin Soderling en quart de finale. Avant de se rendre à Dubaï, Jimmy Connors et lui ont une conversation sérieuse au terme de laquelle "Jimbo" annonce qu'il ne sera plus son entraîneur. C'est Andy Roddick qui annonce la nouvelle juste après sa victoire contre Rafael Nadal: "Jimmy a démissionné", dit-il en conférence de presse d'après-match. "Notre équipe est juste composée de moi-même, de John (son frère) et de Doug (Spreen, son préparateur physique). C'est arrivé il y a une semaine environ. J'ai toujours le plus grand respect pour Jimmy et je le remercie pour le temps qu'il m'a accordé. "Je pense que c'était dur pour lui de s'occuper de moi à temps partiel, peut-être que nous n'avions pas les résultats espérés... Ça s'est fait à l'amiable. Nous restons amis. J'ai tellement de respect pour lui. Je suis triste mais reconnaissant pour ce qu'il a été capable de m'apporter et le temps qu'il a pu prendre sur sa retraite pour le passer à mes côtés."

Une collaboration qui s'est montré plus fructueuse que ce que les résultats ont pu démontrer et qui a permis à l'Américain d'émormément progresser. "Il m'a beaucoup aidé sur mon revers. C'est un coup différent aujourd'hui. J'ai aussi progressé au niveau du mental. (...) Quand nous avons débuté tous les deux, j'étais au plus mal. J'avais passé la semaine qui avait suivi Wimbledon à déprimer (double finaliste les deux années précédentes, il y avait été éliminé dès le 3e tour). Je ne peux que le remercier pour cette étincelle et de m'avoir permis de revenir dans le Top 5 et en finale d'un tournoi du Grand Chelem."

L'étincelle de Dubaï

Andy décide de participer pour la première fois de sa carrière au tournoi de Dubaï alors que la logistique ne semble pas appropriée (les tournois suivants se déroulant aux Etats-Unis). Le tableau est particulièrement relevé et Andy écope d'un premier tour piège face à Juan-Carlos Ferrero. Avec 78% de première balle, 18 aces et quelques coups de fusil bien placés en coup droit, il s'offre facilement la victoire 6/2 6/4 (voir les plus beaux points ici). Au tour suivant, Paul-Henri Mathieu et son plan de jeu représentent un test grandeur nature pour le revers de Roddick. Le Français insiste lourdement et longuement sur le point dit "faible" de l'Américain. Ce dernier démontre qu'il a fait d'énormes progrès en la matière et remporte le match 6/3 6/4 en prouvant qu'il pouvait taper très fort des deux côtés (voir les plus beaux points ici). En quart de finale,  il a le luxe de mesurer son niveau actuel face à un des ténors du circuit, Rafael Nadal. Un premier set à couteau tiré où ils s'offrent tous les deux des balles de break sans réussir à les convertir et qui se termine au tie-break, 7/6 pour Roddick après une somptueuse bataille. Dans la seconde manche, A-Rod déroule en imposant sa force de frappe à un adversaire affaibli par la perte du premier set, l'emportant 7/6 6/2 (voir les plus beaux points ici).

Cette victoire a-t-elle agi comme un déclic? Toujours est-il qu'Andy s'est senti pousser des ailes lors de sa demi-finale face à Novak Djokovic au scénario semblable au match précédent. Après un permier set particulièrement serré, Andy gère mieux le tie-break que le n°3 mondial et s'impose 7 points à 5. Sans pression, l'Américain se lâche dans la seconde manche et prend le dessus dans un premier temps, psychologiquement parlant, avant de breaker pour mener 5/3 et servir pour le gain du match. Intraitable sur sa mise en jeu depuis le début de la semaine, il ne se fait pas prier et surprend une nouvelle fois tout le monde en battant le meilleur joueur actuel et n°1 à la Race (voir les plus beaux points ici). C'est une autre surprise à laquelle il est confronté en finale, en la personne de Feliciano Lopez, vainqueur de trois top 10 cette semaine. Cette fois, c'est par sa sérénité qu'Andy impressionne. Bien qu'il ait perdu la première manche 7/6, il ne se déconcentre pas et continue de mettre la pression sur la mise en jeu de l'Espagnol. Cet effort paye lorsqu'il arrive à breaker à 4/4 et lorsqu'il égalise à une manche partout. Le troisième set est à sens unique, Andy Roddick faisant peser sa condition physique dans la balance et il remporte le match 6/7 6/4 6/2 après deux heures de jeu (voir les plus beaux points ici). Il remporte surtout sa plus belle victoire en tournoi depuis de nombreuses années!

J'ai été très ému par ses exploits successifs et j'ai encore du mal à y croire aujourd'hui, tant les différents moments de la semaine ont été intenses. Alors qu'il y a quelques semaines je me posais des questions sur sa carrière en simple, Andy vient d'apporter la meilleure réponse à cette question. Cela faisait quatre ans qu'il n'avait pas battu un Top 2 (Juan-Carlos Ferrero en finale de l'US Open 2003) et en ajoutant le n°3 à son tableau de chasse, il a atteint un nouveau record dans sa carrière, à savoir battre les n°2 et n°3 dans un même tournoi. C'est le genre de performance dont un fan rêve, surtout lorsque le sportif en question est mal considéré par les observateurs. Un grand bravo à Andy Roddick pour son exploit sensationnel et un grand merci pour m'avoir fait vibrer de la sorte!